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Les paramètres cinématiques (accélération et vitesse) et cinétiques (force et puissance) sont-ils affectés ? Et si oui, de quelle manière ? Et enfin, est-ce réellement efficace en comparaison à un entraînement traditionnel ? Pour tenter de répondre clairement à ces questions, quelques dizaines de recherches ont effectuées sur les bandes élastiques des études sur l’amélioration de la performance cinématique et cinétique chez des sportifs de tout niveau.

II. Intérêts de l’entraînement avec résistance élastique

1. Résistance variable et mouvements humains

Comme nous l’avons vu dans la partie 1, plus une bande élastique s’allonge plus la résistance augmente. C’est pour cela que ce type de résistance est dit variable. L’intérêt principal d’une résistance variable est de s’adapter au mouvement humain, et plus précisément aux courbes de forces qui sont générées par nos leviers articulaires lors d’un mouvement.

Certains entraîneurs ou chercheurs ont décrié, à tort, le mode d’entraînement avec résistance variable en affirmant que celui-ci n’était pas adapté à la contraction musculaire et à la production de force.L’argument principal utilisé était que la relation tension-longueur du muscle humain décrit une parabole et que l’augmentation « linéaire » de la résistance avec élastique ne correspond pas du tout.

Pourtant, comme vous venez de le voir, les courbes de force ne sont pas uniquement paraboliques, car les mouvements réalisés par le corps humain ne sont pas uniquement mono-articulaires. Par exemple, en squat, la courbe de force est ascendante. L’intérêt d’une résistance variable sera alors d’augmenter la résistance à mesure que les leviers deviennent plus favorables. Ainsi, il sera possible de générer de la force sur une plus grande partie du mouvement.

Et enfin, même sur des mouvements où la courbe de force est parabolique, l’ajout d’une résistance variable ne modifie pas celle-ci. En effet, des chercheurs ont illustré ce point lors d’une abduction (une élévation) latérale du bras.

abdiction de l'épaule

Chez 15 sujets, ils ont comparé les moments de force au niveau de l’épaule lors de l’élévation latérale avec un haltère et des bandes élastiques.

d107Que la résistance opposée au mouvement soit constante ou variable, le moment de force articulaire au niveau de l’épaule évolue de la même façon.

Il nous a paru important d’éclaircir ce point avant même de discuter de l’incidence des bandes élastiques sur la performance.

Il est primordial que chaque entraîneur puisse s’assurer que les outils qu’il utilise dans un but précis permettent réellement d’atteindre cet objectif !

2. Amélioration de la performance sportive (Cinématique et Cinétique)

Maintenant que nous avons constaté que la résistance variable offerte par les bandes élastiques est tout à fait adaptée aux mouvements humains, nous allons voir si elle offre des bénéfices en terme de performance sportive.

a. Membres supérieurs et inférieurs

411JN5xkIqLLa vitesse, la force, la puissance et l’explosivité sont des qualités physiques clés dans la performance sportive. L’amélioration de ces paramètres cinématiques et cinétiques est l’un des moteurs principal de la recherche scientifique et de l’entraînement. Depuis plusieurs dizaines d’années, la musculation est devenue un outil de choix pour ce travail spécifique. Néanmoins, les entraîneurs et les chercheurs ont toujours tenté d’améliorer ces entraînements et de les rendre plus efficients.

C’est ainsi que l’entraînement avec résistance élastique a été de plus en plus utilisé dans la préparation des athlètes de haut niveau. Avant cela, les bandes élastiques étaient principalement utilisées en rééducation et pour la remise en forme. Les types d’élastique utilisés opposaient une très faible résistance, contrairement à ceux employés par les sportifs qui sont plus gros et qui fournissent une tension beaucoup plus importante.

Concernant la vitesse

Concernant la vitesse d’exécution lors d’un mouvement avec bandes élastiques, des chercheurs ont montré que la vitesse d’exécution en squat avec bandes élastiques était significativement supérieure au début de la phase excentrique et à la fin de la phase concentrique en comparaison à un squat avec charge constante. En début de mouvement, la tension élastique permet d’accélérer le début de la descente. En fin de mouvement, l’athlète doit compenser la tension croissante par une accélération supplémentaire. Ce que certains nomment l’accélération compensatoire.

Néanmoins, il n’est pas tout à fait évident de savoir si la vitesse peut être améliorée grâce à l’utilisation de bandes élastiques. Car certaines recherches n’ont pas montré de gains en vitesse lors de squats avec bandes élastiques. Ils ont même mis en évidence une diminution de la vitesse d’exécution comparé à un squat avec charge constante. Le problème est que cette étude a comparé 2 conditions inégales. En effet, ils ont choisi de comparer un squat avec une charge constante de 55% du 1RM et un squat avec une charge constante 55% du 1RM ET 20% supplémentaire de résistance élastique… Ce qui signifie qu’une fois debout les athlètes avaient une résistance plus importante dans la condition avec élastique. C’est donc normal que cette étude n’ait pas trouvé de différences significatives.

Mais Jakubiak et Saunders (2008)ont montré que l’entraînement avec bandes élastiques sur un mouvement sportif spécifique pouvait être bénéfique pour la vitesse d’exécution. Ils ont comparé l’entraînement de deux groupes en Taekwondo sur la vitesse du coup de pied circulaire en 4 semaines. Un groupe s’entraînait normalement, tandis que l’autre groupe attachait un élastique à résistance légère à la cheville de la jambe effectuant le coup. Ils ont observé des gains de vitesse allant de 5 à 17% pour le groupe avec élastique, et 0.1% de progression pour le groupe contrôle.

Les gains de vitesse semblent vraisemblablement dus à des améliorations neuromusculaires, c’est-à-dire des paramètres tels que le recrutement des unités motrices, la fréquence d’activation, la coordination intra-musculaire, etc.

Concernant la force

DSC09611Plusieurs études ont observé une amélioration de la force à la suite d’un entraînement avec bandes élastiques ou simplement en comparant un exercice avec et sans bandes élastiques. En 2008 des chercheurs ont observé un gain au 1RM de 8% en développé couché et de 16% en squat après 7 semaines d’entraînement. D’autres ont mesuré un gain au 1RM de 9.5% en squat après 12 semaines d’entraînement. Et en 2011 des chercheurs ont obtenu après 3 semaines d’entraînement un gain de presque 10% en développé couché.

Comme nous l’avons expliqué plus tôt, les bandes élastiques gagnent en résistance à mesure qu’elles sont étirées. Donc lors d’un squat ou d’un développé couché, elles fourniront plus de résistance en fin de phase concentrique (en pleine extension). Et de part leur propriété « élastique« , les bandes tendent à revenir à leur longueur initiale. Cette propriété laisse donc supposer que la phase excentrique (la flexion des jambes en squat ou celle des bras au développé couché) serait accélérée par les bandes élastiques, et cela se traduirait par une augmentation de l’énergie potentielle élastique stockées dans les muscles, ce qui augmenterait la force développée lors de la contraction suivante, la vitesse d’exécution et donc la production de puissance.

Cependant, Ebben et Jensen (2002)n’ont observé aucune différence lors d’une comparaison de squats traditionnel, avec chaînes et avec bandes élastiques au niveau de la production de force et de l’EMG, le tout exécuté lors de la même séance. Néanmoins, ils n’ont utilisé qu’un faible pourcentage de résistance apportée par les élastiques et les chaînes : 10%.

A l’inverse, en 2006 des chercheurs ont testé sur 2 journées, 3 conditions différentes en squat : avec uniquement de la fonte, avec de la fonte + bandes élastiques à hauteur de 20% et avec de la fonte + bandes élastiques à hauteur de 35%. Le première jour, ils ont testé un squat à 60% du 1RM et le deuxième jour, un squat à 85% du 1RM, dans chaque condition. Ils ont observé qu’à 85% du 1RM, les squats avec bandes élastiques permettaient de développer une force significativement supérieure.

En 2011 des chercheurs ont obtenu des résultats significatifs avec 15% de résistance élastique et d’autres en 2008 avec 20%. Il semblerait alors qu’il y ait un pourcentage minimal de résistance variable à utiliser pour bénéficier des avantages des bandes élastiques au niveau de la force.

Concernant la puissance

DSC09606Il en est de même au niveau de la production de puissance moyenne ou maximale. Plusieurs études ont en effet démontré une puissance significativement supérieure avec l’utilisation de bandes élastiques. La puissance est le produit de la force et de la vitesse. Elle est donc influencée par ses deux paramètres. L’explication la plus probable concernant le bénéfice des bandes élastiques sur la production de puissance est que l’accélération lors de la phase de contraction dure plus longtemps, ce qui permet une production supérieure de force, et donc de puissance.

En effet, plusieurs recherchesont constaté que lors de mouvements comme le squat ou le développé couché, lorsque le but est de déplacer la charge le plus rapidement possible, une décélération importante de la charge est observée sur plus de 40% du mouvement avant d’arriver en pleine extension. Ce phénomène involontaire serait un mécanisme de protection des articulations. Pour contourner cette limitation, il est possible de projeter la charge en fin d’extension (cela se traduit par un saut dans le cas du squat). Cette projection permet d’accélérer la charge plus longtemps et de produire une puissance maximale et moyenne supérieure. Le seul problème de cette pratique est qu’elle est difficile à mettre en place puisque cela nécessite d’avoir un système sûr pour réceptionner les charges lancées.

Les bandes élastiques ajoutées à la charge permettent justement de passer outre cette limitation technique. Ainsi, grâce à la résistance qui augmente progressivement à mesure que les articulations approchent de la pleine extension (dans le cas d’exercices à courbe de force ascendante), les athlètes peuvent accélérer la charge sur une période plus longue, et ainsi produire une puissance plus importante.

Efficacité de l’entraînement avec bandes élastiques en comparaison à l’entraînement traditionnel

L’entraînement avec élastique permet un gain de vitesse, de force et de puissance, mais ce gain est-il supérieur à celui obtenu avec un entraînement à charge constante ? Il semble que la réponse soit positive, la plupart des études qui ont étudié la comparaison entre les deux types de résistance ont mis en évidence une amélioration supérieure grâce aux bandes élastiques, en squat et en développé couché. Ce gain est essentiellement du à un soulagement de la résistance lorsque le système articulaire humain est en position de faiblesse (en bas du mouvement en squat et au développé couché) et à une résistance accrue lorsque le système articulaire est en position de force (proche de la pleine extension).

Néanmoins, quelques études n’ont pas observé de différences. C’est le cas de Ebben et Jensen (2002)qui ont étudié le squat chez des athlètes universitaires de division I. Ils ont comparé le squat avec charge constante, avec chaînes et avec bandes élastiques à hauteur de 10%. Comme nous l’avons décrit plus haut, il semble que 10% de résistance additionnelle sous formes de résistance élastique soit insuffisant pour observer une amélioration des paramètres cinématiques et cinétiques. Ghigiarelli et d’autres chercheurs (2009)ont réalisé la même comparaison mais pendant 7 semaines au développé couché avec des footballeurs américains. Eux non plus n’ont observé aucune différence significative. Néanmoins, les données montrent que la progression en vitesse, en force et en puissance était meilleure que pour le groupe contrôle. De plus, l’entraînement avec chaînes ou élastiques n’était réalisé qu’une seule fois par semaine et la valeur de la résistance élastique n’est pas mentionnée dans l’étude. Enfin, en 2010 des chercheurs n’ont pas observé de différence en squat tout simplement car ils n’ont pas égalisé les charges de travail entre les conditions testées.

Il semblerait que des problèmes d’uniformisation des méthodologies scientifiques soient à l’origine des différences de résultats entre les études. Il convient donc de suivre quelques règles simples pour obtenir des résultats positifs lors de l’entraînement avec résistance élastique additionnelle :

  • Il convient de choisir une charge élastique représentant 15 à 35% de la charge totale d’entraînement en extension complète.
  • L’exécution du mouvement doit être la plus rapide possible, quelque soit la charge d’entraînement.

b. En saut vertical

La performance en saut vertical est liée à plusieurs paramètres. Parmi les plus importants, il est possible de citer le cycle étirement-détente et l’énergie potentielle élastique et la vitesse au décollage, lorsque les pieds quittent le sol. Enfin la hauteur de saut est corrélée significativement avec la production de puissance musculaire des membres inférieurs. Le saut vertical est donc un exercice très utilisé pour l’évaluation sportive des athlètes.

En tenant compte de cela, plusieurs études ont examiné l’influence de l’utilisation de bandes élastiques sur la performance en saut vertical chez des athlètes de tout niveau. Plusieurs études ont constaté l’augmentation de la vitesse au décollage lorsque le saut vertical était assisté par des bandes élastiques. L’augmentation de la vitesse vient de l’énergie potentielle élastique libérée par les bandes élastiques mais également du fait que le poids corporel de l’athlète est réduit.

En 2011, des chercheurs ont montré que la vitesse au décollage augmentait plus le pourcentage d’allègement du poids de corps était grand. Ces auteurs ont testé de 0 jusqu’à 40% d’assistance en bandes élastiques. Markovic et Jaric (2007)ont fait la même constatation avec un allègement de 30% du poids de corps.

Mais Argus et d’autres chercheurs (2011) ont montré qu’un entraînement de 4 semaines en sauts verticaux avec une assistance élastique de 20% du poids de corps permettait une augmentation de la hauteur de saut de presque 7% chez des rugbymen de haut-niveau.

De plus, dans la même étude, en 2011 ils ont montré également un gain en hauteur de saut de 4% pour le groupe de rugbymen qui utilisaient les bandes élastiques comme résistance. Contrairement à McClenton (2008)qui n’a pas observé de gains significatifs statistiquement après un protocole d’entraînement de 6 semaines avec le système VertiMaxchez sujets sportifs. Cependant, la résistance élastique n’a pas été quantifiée clairement, et il semble que le nombre de sujets a peut-être influencé les résultats statistiques.

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Pour améliorer la hauteur de saut vertical, les bandes élastiques semblent être une alternative supplémentaire pour l’entraîneur. En assistance ou en résistance lors du saut vertical, en facilitant la vitesse d’exécution ou en accentuant le travail excentrique, les bandes élastiques permettront de travailler sur les paramètres neuromusculaires, en améliorant la vitesse de contraction et/ou le cycle étirement-détente. Et enfin, l’assistance fournie par les bandes élastiques permet également de diminuer les forces de réception lors des sauts. Cela peut aider à diminuer la charge mais également aider à la rééducation des sportifs en retour de blessures.

c. En sprints courts

Des élastiques de très grandes longueurs sont également utilisés dans les sprints d’une distance allant de quelques mètres à 20 mètres. La notion de « survitesse » est bien connue des coureurs et des cyclistes, lors de course en pente. Il est possible également d’utiliser pour cet objectif des bandes élastiques. En 2011 des chercheurs ont testé différents pourcentages d’assistance fournis par des bandes et mesurer les temps de courses sur environ 18 mètres. Ils ont constaté qu’au delà de 30% de poids de corps en assistance, il n’y avait plus de bénéfices au niveau du temps de course. Et au-delà de 13m, l’élastique ne fournissait plus d’assistance.

En 2003, Corn et Knudsonont montré que sur des sprints de 20m avec assistance élastique, la longueur de foulée augmentait, tandis que la fréquence de foulée n’augmentait pas. D’après ces auteurs, la modification de ces variables spécifiques au sprint pourrait être néfaste sur la technique de sprint. A notre connaissance, aucune étude n’a observé un protocole d’entraînement en sprint avec assistance élastique sur plusieurs semaines pour quantifier les bénéfices ou les pertes sur la vitesse de course réelle.

Enfin, en natation, des chercheurs français ont utilisé des bandes élastiques pour étudier les effets sur la performance en 100m nage libre. Pour cela ils ont répartis 37 nageurs en 3 groupes : un groupe contrôle, un groupe « survitesse » et un groupe « force ». Des bandes élastiques étaient utilisées pour l’assistance ou la résistance. Le protocole a duré 3 semaines avec 3 sessions par semaine dédiées à l’utilisation des élastiques. Au final, les deux groupes ont vu leur performance s’améliorer, néanmoins, c’est le groupe « force » qui a obtenu les plus gros gains en force musculaire, en vitesse sur 100m, et en fréquence de cycles de bras, sans que l’amplitude de ces cycles ne soient affectés.

Pour résumer cette partie :

  • En squat et en développé couché, entre 15 et 35% de résistance fournie par les bandes élastiques permet d’améliorer la vitesse, la force et la puissance.
  • Pour le travail de puissance et d’explosivité, l’utilisation de bandes élastiques permet de remplacer astucieusement la projection de la charge.
  • Les bandes élastiques permettent d’améliorer la hauteur de saut en accentuant la phase excentrique ou la facilitant.
  • De part leur modularité, les bandes élastiques peuvent servir dans l’amélioration de paramètres cinématiques et cinétiques lors de mouvements spécifiques à une activité sportive particulière.

 

par P. Debraux & A. Manolova

Depuis quelques années les propriétés spécifiques de la résistance élastique et leurs effets sur la performance motrice sont étudiés par les scientifiques. Pour faire la lumière sur les connaissances actuelles sur cette résistance, et balayer les mauvaises informations qui circulent encore sur internet et dans certaines formations, cet article (en 2 parties) a pour but de vous présenter les principes scientifiques qui sous-tendent la résistance élastique, l’intérêt de ce type de résistance et ses applications dans le domaine de l’aquabiking et celui de la santé.

Un peu d’histoire

La résistance élastique est utilisée depuis plus d’un siècle dans l’entraînement en force. Le pionnier du culturisme, Friedrich Wilhelm Mueller (1867-1925), plus connu sous le nom d’Eugen Sandow, fut le premier à utiliser une résistance élastique pour ses entraînements. Les sandow sont d’ailleurs un nom commun et caractérisent des sangles de fixation en caoutchouc servant à de nombreux usages. Aux États-Unis, au début du 20ème siècle, les élastiques «Whitely exerciser» promettaient « Santé, force, grâce et forme : comment les avoir, comment les garder » pour les enfants, les femmes et les hommes. Dans les années 50, c’est Paige Palmer (1916-2009) qui fut l’une des premières femmes à populariser le fitness à la télévision. Elle conçut des équipements de sport pour les femmes dont une bande élastique, la Stretch rope vendue avec une fiche explicative des exercices possibles et spécifiquement adressée aux femmes pour tonifier son corps.

Jusque dans les années 60 et 70, la résistance élastique (sous forme de tubes chirurgicaux ou de chambre à air) était utilisée pour le renforcement musculaire dans les milieux sportifs mais également pour la rééducation par les kinésithérapeutes. C’est en 1978, que plusieurs kinésithérapeutes ont approché une société, Hygenic Corporation, qui fabriquait initialement des morceaux de latex pour la dentisterie. Leur idée était de concevoir des bandes élastiques avec des niveaux de résistances différents, codifiés par des couleurs. C’est ainsi qu’est née la plus célèbre gamme de bandes élastiques destinées principalement à des fins thérapeutiques.

Dans les années 80, différents appareils de musculation avec résistance élastique à destination du grand public ont vu le jour. La tendance était au minimalisme et l’idée innovante à cette époque était de remplacer les charges traditionnelles de fonte par une résistance élastique qui ne pèse rien mais qui fournit tout de même une résistance. Certaines machines, comme le Soloflex® en 1985, permettaient d’étirer plus ou moins les élastiques et/ou de placer des élastiques plus ou moins gros pour varier la tension lors des exercices.

Dans les années 60, la résistance élastique fut incluse dans un programme aérospatial. Une presse horizontale fut construite en 1987, mais jamais ne sortit de l’atmosphère terrestre. Toutefois, le concept n’est pas mort puisqu’il est possible de retrouver aujourd’hui, dans de nombreux cabinets de kinésithérapeutes, des presses Vector de la société Easytech.

Jusque dans les années 80, la résistance élastique n’était considérée que comme une autre source de tension, une option moins chère et plus facilement transportable de son équivalent en fonte. Enfin, c’est à cette époque, qu’un athlète de force américain du nom de Louie Simmons, fondateur du Westside Barbell, a popularisé l’usage de la résistance élastique pour l’entraînement des athlètes de force avec des bandes bien plus épaisses qui permettaient de fournir des dizaines de kilogramme de tension.

Aujourd’hui, la résistance élastique se décline sous de nombreuses formes et répond à différents objectifs :

  • la rééducation musculaire et articulaire,
  • l’amélioration de la condition physique et l’augmentation de la force musculaire.

Bandes élastiques : Une résistance variable

Pour bien comprendre la particularité de la résistance élastique, nous devons nous intéresser brièvement aux différents types de résistance qui induisent des adaptations musculo-squelettiques. Il en existe trois :

  • la résistance externe constante,
  • la résistance avec adaptation,
  • la résistance variable.
    • La résistance externe constante : La charge déplacée reste la même tout au long de son déplacement. Si vous soulevez un haltère de 10 kg avec le bras, quelque soit la position dans l’espace de votre bras, l’haltère pèsera toujours 10 kg. Cette résistance est dépendante de l’accélération gravitationnelle.
    • Les résistances adaptatives (ou accomodatives) : Ce type de résistance consiste à adapter la résistance pour permettre à l’athlète de développer des forces maximales à différentes vitesses sans être affecté par les propriétés inertielles de la charge.L’isocinétisme est un exemple de résistance avec adaptation. La résistance est adaptée grâce à une machine en fonction de la force exercée par l’athlète pour maintenir la vitesse choisie constante. En résumé, pour une articulation isolée, à chaque angle, l’athlète fournira un effort maximal. Les résistances hydrauliques et pneumatiques sont des exemples de résistance avec adaptation, même si leur classement oscillerait plutôt entre résistance avec adaptation et résistance variable.
    • Les résistances variables : Ce type de résistance a pour objectif de modifier la résistance externe lors de la trajectoire d’un exercice pour simuler les différentes relations force – angle articulaire rencontrées chez l’homme. On retrouve dans cette catégorie les systèmes de cames et de leviers popularisés par Nautilus® et Universal®, les chaines et les bandes élastiques. Dans le cas des bandes élastiques, plus celles-ci sont étirées et plus la résistance augmente. Certains articles confondent la résistance adaptative et la résistance variable lorsqu’il est question des bandes élastiques.

 

Retenez simplement que l’élastique n’adapte pas sa résistance en fonction de la vitesse d’exécution du mouvement, mais bien en fonction de l’étirement.

2. Propriétés mécaniques des bandes élastiques

a. Le matériau

260_elastoplayLa plupart des bandes élastiques sont issues du latex naturel, récolté sur l’hévéa par saignées. À l’air libre, le latex coagule naturellement, et le caoutchouc s’obtient par coagulation du latex à environ 120°C. Cependant, le caoutchouc ainsi formé est collant et possède un très mauvais comportement face aux écarts de températures. Il devient cassant lorsque les températures sont froides et il devient poisseux lorsque les températures sont chaudes.

Pour palier à ce problème, Charles Goodyear a mis au point en 1842 un procédé chimique appelé vulcanisation. C’est un mélange d’agents vulcanisants (le plus souvent du souffre) à un élastomère (le caoutchouc) pour former après cuisson des ponts entre ses chaines moléculaires.

Il vous faut imaginer que les polymères (dont les élastomères font partie) sont composés de macromolécules (une chaîne de monomères plus ou moins longues) qui s’enroulent les unes aux autres à la manière d’une assiette de spaghettis. Dans le cas des élastomères, une chaîne contient plus de 10 000 monomères. Des ponts d’origine chimique relient les chaînes entre elles, et dans le cas des élastomères, le nombre de ponts est faible : environ 1 pour 100 monomères. C’est justement ce faible nombre de ponts qui permet une très grande élasticité. Or, c’est la vulcanisation qui permet de créer ces ponts. Cependant, trop de ponts réduiront l’élasticité du matériau, et trop peu de ponts auront pour conséquence un mauvais comportement aux variations de température. Ce sont ces ponts qui donnent à la bande élastique sa mémoire de forme. La vulcanisation est donc une étape clé dans le processus de fabrication des bandes élastiques.

b. Comportement des bandes élastiques lors de la déformation

Grâce à l’union des macromolécules par des ponts chimiques, les bandes élastiques ont cette propriété de fournir une tension de plus en plus importante à mesure qu’elles sont étirées. Comme pour tous les matériaux, il est possible de réaliser un test de traction afin de connaître précisément les caractéristiques du matériau, et pour les bandes élastiques cela peut se résumer à savoir la résistance de la bande en fonction de l’étirement.

Concernant la manière dont la résistance des élastiques augmente en fonction de l’étirement, il est commun de lire que c’est une tension croissante et linéaire. Ce n’est pas tout à fait exact. Le comportement des polymères est loin d’être aussi simple. Pour simplifier les choses, il est possible de considérer que la tension d’une bande élastique évolue en 3 phases :

  1. Entre 0 et 50% environ, les macromolécules se déplient et s’alignent…
  2. Entre 50 et 500%, elles s’allongent…
  3. Au-delà, les macromolécules sont complètement allongées, et l’étirement est localisé sur les ponts chimiques. En brisant les ponts, la bande élastique perd ses propriétés de mémoire de forme. In fine, l’étirement mènera à la rupture.

Au-delà de 50 %, le comportement des bandes est presque linéaire, c’est-à-dire que lorsque la bande est étirée d’au moins la moitié de sa longueur initiale de repos, la relation entre l’étirement et la tension est constante, et ce, jusqu’à environ 500% de déformation. Plus vous étirerez l’élastique, plus sa tension sera forte et ce, de manière proportionnelle. Une phase linéaire peut être expliquée par la loi de Hooke.

L’utilisation classique des bandes élastiques en musculation, aquabiking et préparation physique se situe généralement entre 50 et 200%.

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Il faut également prendre en compte que la quantité de matière joue un rôle dans la tension. En effet, deux élastiques de longueurs égales n’auront pas forcément la même tension à une déformation de 100 %. Cette différence viendra de l’aire de section. La bande d’aire de section A1 possède une tension moins grande que celle d’aire de section A2. Ainsi, si vous doublez une bande élastique, vous aurez deux fois plus de tension. De même que l’addition de différentes bandes élastiques permettra d’augmenter la résistance.

Enfin, les processus de vulcanisation lors de la conception des bandes vont déterminer le nombre de ponts entre les chaînes de monomères. Ce processus influencera également la tension des bandes élastiques, comme nous l’avons décrit ci-dessus.

Plus je tire sur la bande élastique, et plus la difficulté augmente.

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Les bandes élastiques ont une très grande élasticité. L’élasticité est la capacité d’un matériau à se déformer plus ou moins et à revenir à sa position initiale sans dommage une fois relâché. Passé un certain seuil, le matériau subira des dommages et ne reviendra plus tout à fait à sa forme d’origine (ce sera la déformation plastique), une trop grande déformation peut également conduire à la rupture.

Dans le cas des bandes élastiques, l’élasticité est très importante. La plupart des études ont mesuré les tensions de bandes élastiques correspondant à des allongements supérieurs à 150 % de la longueur initiale de repos. Selon la composition des bandes élastiques, elles pourraient ne pas subir de dommage jusqu’à plus de 300 % de déformation.

c. Comportement des bandes élastiques en fatigue

Il ne s’agit pas de la fatigue de l’individu qui utilise les bandes élastiques. En mécanique des matériaux, la fatigue est un processus qui va modifier la structure d’un matériau sous l’effet de contraintes ou déformations variables répétées. Cela pourra entraîner des dégâts au matériau voire même aller jusqu’à la rupture. Et pourtant ce phénomène de fatigue peut survenir sans que les déformations répétées soient d’une intensité très forte.

La fracture de fatigue chez le sportif est liée à ce phénomène. L’os subit des contraintes répétées, des micro-fissures naissent au niveau de l’os, et les sollicitations répétées finiront par mener à la fracture.

Les bandes élastiques réagissent également à la fatigue. Durant toute la durée de vie d’une bande élastique, elle subira de nombreux cycles d’étirement-relâchement. Il n’y a aucun moyen d’empêcher ce phénomène, les bandes élastiques devront être remplacées. Quelques études se sont intéressées au comportement d’une bande élastique sous l’effet d’une sollicitation répétée.

Des chercheurs ont testé lors de 501 cycles d’étirement-relâchement 6 bandes élastiques de différentes résistances. Pour cela, un petit moteur étirait les bandes élastiques à une vitesse constante de 0,018 m·s-1. C’est à dire qu’un cycle étirement-relâchement durait 22 secondes, ce qui correspondrait à une exécution d’exercice très lente. Ces chercheurs ont testé les 6 bandes élastiques pour deux déformations : 100 % et 200 % de leur longueur initiale. Un capteur de force mesurait les tensions provoquées par la déformation.

Sur les 501 cycles, les chercheurs ont observé une diminution de la tension de 5 à 12 % pour une déformation de 100 % de la longueur initiale, et une diminution de la tension de 10 à 15 % pour une déformation de 200 % de la longueur initiale. Néanmoins cette baisse de tension est intervenue lors des 50 premiers cycles, et la tension est ensuite restée constante sur les cycles suivants.

D’autres ont également étudié le comportement en fatigue des bandes élastiques. Deux échantillons d’une même bande ont subi environ 5800 cycles d’étirement-relâchement. Un cycle correspondait à une variation entre 100 % et 200 % de la longueur initiale de l’échantillon. Ces auteurs n’ont pas observé de différences significatives entre le premier cycle et le dernier cycle. La différence moyenne de tension entre le premier et le dernier cycle était d’environ 0.31 Newton, soit 0.031 kg.

Cette équipe a également constaté qu’il existait une différence de tension entre une bande étirée 20 fois manuellement avant d’être testée et une bande neuve. Néanmoins, ils ont constaté que même si la longueur de repos initiale de la bande augmente, la tension relative à la déformation reste la même.

d. Influence du temps sous tension et de la vitesse d’étirement

Les bandes élastiques laissées dans une position d’étirement constant peuvent subir des dommages irréversibles. C’est ce qui est appelé le fluage. C’est à dire que sous l’action d’une charge constante ou d’une tension constante, des déformations irréversibles interviennent sur la matériau. Il est donc recommandé de ne pas laisser les bandes élastiques dans une position étirée trop longtemps.

La vitesse d’étirement ne semble pas avoir d’influence sur les bandes élastiques. Des chercheurs ont testé deux vitesses différentes d’étirements sur des bandes élastiques (0.085 cm·s-1 et 0.009 cm·s-1) et n’ont observé aucune différence au niveau de la tension. Néanmoins, les vitesses testées ne représentent absolument pas des vitesses d’étirements normales observées lors d’exercices (entre 10 et 50 cm·s-1). Cette hypothèse s’appuie sur le fait que les polymères sont sensibles à la vitesse de déformation. Plus la vitesse d’étirement est grande, et plus les polymères seront rigides et fragiles. A l’inverse, plus la vitesse d’étirement est faible et plus ils seront souples et ductiles. À, l’exception de cette étude et à notre connaissance, aucune étude ne s’est intéressée à ce phénomène sur des bandes élastiques à des vitesses normales d’exécution d’un geste sportif. Il est possible de supposer que la vulcanisation empêche cette variation de résistance en fonction de la vitesse d’étirement.

Pour résumer cette partie :

  • La résistance élastique est variable. Plus vous étirez une bande élastique et plus la résistance que vous rencontrerez sera grande.
  • Vous pouvez étirez une bande élastique sans risque, pour vous et pour la bande, jusqu’à plus de 4 fois sa longueur initiale de repos.
  • L’addition de bandes élastiques provoquera la somme de leur résistance.
  • Lorsque les bandes élastiques sont neuves, 20 à 50 pré-étirements vont augmenter légèrement leur longueur, mais celle-ci restera sensiblement la même ensuite.
  • La tension qui diminue n’est que relative. Une bande plus longue aura besoin d’un étirement plus grand pour produire une même tension.
  • Les bandes élastiques vieillissent et sont affectées par de nombreux paramètres mécaniques (nombre de cycles d’étirement-relâchement, pourcentage de déformation) et des paramètres environnementaux (humidité, abrasion, etc.). Il sera nécessaire de les changer lorsque des défauts apparaissent sur les bandes, comme des coupures ou des zones blanches par exemple.

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par P. Debraux & A. Manolova